Journal d’un travailleur que l’on a remercié

12 janvier 2013

Aujourd’hui, j’ai reçu une plaque commémorative pour souligner mes 20 ans de service pour le même employeur. Ma patronne a fait un petit discours et m’a félicité pour la qualité de mon travail et mon dévouement pour l’entreprise. J’étais gêné qu’on reconnaisse publiquement mes années d’efforts et en même temps je ressentais une grande fierté. Tout comme mon père et mon grand-père, j’ai réussi; j’ai passé la majeure partie de ma vie dans la même usine; j’ai des avantages sociaux et un salaire élevé. J’ai bien fait de quitté l’école en secondaire cinq et d’aller travailler. Aujourd’hui, c’est un grand jour pour moi.


18 avril 2013

Ce matin, on m’a annoncé que mon poste était aboli et que je terminais dans trois mois. Je me sens frustré de la façon dont je l’ai appris. Ils ont rassemblé les gars de l’usine et nous ont dit qu’avec la conjoncture économique actuelle, les contrats sont en baisse. Si l’entreprise veut survivre, elle doit effectuer des suppressions de postes.


18 juillet 2013

Aujourd’hui, je rentre au travail pour la dernière fois. Je ressens de la colère et la tristesse. Je ne comprends toujours pas pourquoi ça arrive à moi. Ce soir, je devrais dire aurevoir à mes collègues qui sont devenus mes amis. J’aurais une prime de séparation, mais à quoi bon si c’est pour rester à la maison? Dans le temps de mes parents ça n’arrivait pas. Tu entrais dans une entreprise et tu y passais toute ta vie.


27 août 2013

Finalement, ce n’est pas si difficile que ça d’être sans emploi. Je fais les rénovations que j’ai repoussées depuis des années. J’utilise mon indemnité de départ pour subvenir à mes besoins et plus tard je recevrais de l’assurance chômage. Je me sens bien, je profite de mes journées et je passe du temps avec ma famille.


14 novembre 2013

J’ai refait ma galerie et mes armoires de cuisine. J’ai même aidé mon voisin à rénover sa toiture. Mes journées sont bien remplies.   Mais lorsque je m’arrête quelques instants, je ressens un grand vide. Je ne me sens plus utile pour la société et j’ai l’impression de ne plus me réaliser. Avant, j’étais Raymond, mécanicien industriel chez Mécanique Plus; maintenant, je ne suis rien.    Je fuis les gens pour ne pas faire face à leur regard.


23 décembre 2013

À cinquante quatre ans, je me questionne, suis-je prêt pour la retraite ou suis-je trop jeune? Est-ce qu’un nouvel employeur voudra de moi? Un curriculum vitae, je n’ai jamais fait ça…